D'après le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution de la biodiversité (IPBES), les activités humaines affectent aujourd’hui plus de 70% des terres libres de glaces, avec environ un quart de cette surface qui subit des dégradations importantes. En cause ? L’expansion urbaine, l’agriculture intensive, les pollutions, les invasions biologiques ont des effets très négatifs sur les sols et ses habitants, ces effets étant exacerbés par le réchauffement climatique. Les activités humaines sont devenues la principale force de changement du fonctionnement de notre planète et de sa biodiversité : nous vivons à l’heure de l’anthropocène.
Qu’est-ce qu’un sol dégradé ?
Contrairement à leur apparence, les sols sont fragiles et s’ils sont trop dégradés, ils ne peuvent plus remplir certaines de leurs fonctions. Asséchés, érodés, compactés, appauvris en éléments nutritifs ou en biodiversité, les niveaux de dégradations sont plus ou moins profonds en fonction des pressions qu’ils subissent.
Les surfaces construites en milieu urbain sont un cas extrême : sous le bitume, il ne reste quasiment plus de biodiversité et l’ensemble des fonctions du sol sont dégradées.
Les sols agricoles sont également malmenés : le travail profond du sol, les engrais minéraux, le passage des machines et les pesticides altèrent les sols à différents niveaux en tuant les organismes ou en modifiant sa structure. Le manque d’apport de matière organique (exportation des cultures, destruction des plantes non désirées, abandon des amendements organiques) vient affamer cette faune qui vit de la dégradation de la matière organique morte.
Des sols pollués
La pollution des sols peut être visible comme l’accumulation de plastiques ou autres déchets à sa surface mais elle est plus souvent invisible. Toute substance qui s’accumule en quantité telle qu’elle affecte les organismes vivants (plantes, animaux, hommes) et les fonctions du sol est définie comme polluante.
Ces substances sont variées : métaux, composés pharmaceutiques, pesticides, microplastiques... Elles arrivent dans le sol par l’épandage de pesticides ou d’engrais, les rejets d’activités industrielles, le trafic routier ou encore la gestion et le traitement des déchets. Certaines d’entre elles comme les métaux ne se dégradent pas, contaminant durablement les sols.
Les êtres vivants du sol sont les victimes invisibles de la pollution des terres. Une vaste méta-analyse parue en 2021 dans la revue Frontiers in Environmental Science a épluché pas moins de 400 études sur les effets des pesticides. Elle montre que tous les pesticides sont nocifs pour les invertébrés, qu’il s’agisse d’insecticides ou de fongicides et qu’ils impactent aussi bien la macrofaune que la vie microbienne.
Le saviez-vous ? D’après une étude suisse la pollution plastique serait 40 fois plus élevée dans les sols que dans les eaux avec des conséquences pour la vie du sol encore mal évaluées.
Le déclin invisible de la biodiversité des sols
Le constat est sans appel : en 30 ans, les populations d’espèces sauvages de vertébrés ont diminué de 38% dans les habitats terrestres, 80% chez certains insectes. En conséquence, 31% d’espèces sont menacées d’extinction dans le monde (UICN, 2021) et les taux d'extinction sont 1000 fois plus importants qu’avant l’apparition de l’homme.
Malgré l’importance de la biodiversité du sol dans le fonctionnement du vivant et dans le maintien de nos sociétés, elle est beaucoup moins étudiée que d’autres organismes plus emblématiques comme les mammifères, oiseaux ou reptiles. Hélas, les prédictions basées sur les quelques données disponibles indiquent que les organismes des sols n’échappent pas à cette 6ème extinction de masse… Sous nos pieds, leur déclin a commencé, elle est invisible mais pas inéluctable.